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  • Gotham City résiste aux vents mauvais qui menacent la presse

    La presse est un des piliers du système de lutte contre la fraude et le blanchiment. En 2021, près de 20% des déclarations de soupçon adressées aux autorités par des banques suisses se basaient sur des informations parues dans des médias. Sans elles, ce sont plus de 1’000 transactions financières suspectes qui passeraient sous le radar chaque année. Ce rempart est menacé par les pressions croissantes contre les journalistes et les éditeurs.

    Gotham City est une publication très modeste. Coline, Marie, François et Federico: nous sommes quatre à raconter chaque semaine les procédures judiciaires qui attirent notre attention dans les tribunaux suisses et étrangers. En cinq ans d’activité, notre lettre est devenue une source d’informations importante pour les avocats, les médias, les ONG et les autorités.

    Les départements de compliance des banques, aussi, sont toujours plus nombreux à nous suivre. Ce succès s’accompagne d’un corollaire inquiétant: plus les banquiers nous lisent, plus les pressions que nous subissons s’accentuent.

    Les personnes embarrassées par nos articles ne s’en cachent même pas: c’est souvent par un appel de leur banquier que la nouvelle vient à leurs oreilles. « Gotham » aurait évoqué leur implication – proche ou lointaine – dans une procédure en justice dont ils n’avaient pas tout dit à leur gérant de fortune. Pour répondre à cette inquiétude, le plus simple semble donc… de faire disparaître l’article.

    Ce phénomène s’explique par la nature du système de lutte contre le blanchiment. Les banques ont l’obligation de se renseigner en permanence sur la réputation de leurs clients et sur leur implication potentielle dans des affaires louches. Les autorités ne plaisantent pas avec cette règle: des employés de banque ont même été condamnés pour avoir ignoré des articles de presse qui révélaient des agissements criminels.

    Dans son rapport annuel 2021, le Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS) indique que les intermédiaires financiers ont signalé 1’078 transactions suspectes sur la base d’informations publiées par la presse. Cela représente 18% de toutes les annonces transmises aux autorités suisses.

    Dès lors, empêcher la parution d’un article, obtenir son retrait ou même sa modification sur un point précis peut s’avérer crucial pour les personnes exposées.

    En ce qui concerne Gotham City, 2022 a probablement battu un nouveau record sur ce plan. Les courriels comminatoires sont devenus hebdomadaires et le facteur sourit désormais des « lettres d’amour » qu’il nous livre en recommandé.

    Curieusement, les véritables attaques en justice sont devenues un peu moins nombreuses. Mais elles ont fait place à une litanie de récriminations, d’appels de communiquants et de pressions plus ou moins directes.

    Il nous arrive de nous tromper. Quand c’est le cas, nous corrigeons notre erreur. Nous interpellons toujours les représentants des personnes mises en cause, avant publication, pour leur permettre de donner leur point de vue. Même lorsqu’elles n’ont pas répondu, elles peuvent toujours le faire après, en ajoutant une prise de position à l’article.

    Ces règles sont simples et suffisent, en théorie, à déminer l’immense majorité des situations. Mais les discussions qu’elles provoquent sont toujours compliquées. Car dans la plupart des cas, ces demandes visent en réalité à obtenir la suppression pure et simple de l’article. Y résister consume un temps précieux, qui n’est pas passé à la recherche d’informations dans les sources judiciaires.

    Le Batfund à la rescousse

    Gotham City avait fait l’objet d’une vague de procédures en justice en 2020. Nous nous en étions bien sortis, en obtenant gain de cause devant les tribunaux dans quatre affaires sur cinq. Nous n’avons abandonné que dans un seul cas, parce qu’épuisés financièrement.

    Ces victoires ont probablement contribué à refroidir les ardeurs judiciaires des personnes embarrassées par nos articles. Elles montraient que la justice suisse reconnaissait l’importance de notre rôle. Mais leur multiplication avait affaibli notre entreprise – ce qui était aussi leur objectif. 

    Fin 2020, le Batfund a été créé pour nous soutenir dans cette situation d’urgence.  En rassemblant plus de 15’000 francs de dons privés, cette association indépendante de la rédaction et dirigée par Myret Zaki, Hannes Britschgi et Tasha Rumley nous a permis de régler l’ardoise de plusieurs assauts judiciaires, comme dans ce cas. Plus important encore, il nous a permis de gérer les pressions qui ont suivi avec sérénité.

    Un grand merci – une fois encore – à toutes celles et ceux qui ont contribué au Batfund! Leur soutien s’est avéré très précieux dans la période difficile que nous avons traversée.

    Pressions sur les autorités

    Tout n’est pas rose pour autant. Car si le nombre de procédures en justice a diminué, les pressions trouvent sans cesse de nouveaux chemins. Un nouveau phénomène que nous avons vu apparaître cette année est particulièrement inquiétant.

    A défaut d’empêcher la parution d’articles en s’en prenant aux médias, les pressions s’orientent désormais sur les autorités. Elles visent par exemple à empêcher ou à retarder la publication de jugements, dont la publicité est pourtant garantie par la transparence judiciaire.

    Dans un cas auquel nous sommes confrontés actuellement, une autorité fédérale refuse depuis des mois de nous transmettre la copie d’un jugement définitif et entré en force. La situation est aberrante. Ce blocage ne porte en effet que sur un seul cas, et la même autorité nous donne toujours accès en parallèle aux décisions concernant d’autres affaires. Pourquoi?

    Simplement parce ce que l’avocat de la personne condamnée est parvenu à faire pression – par des recours dont nous ignorons la teneur – sur l’autorité en question. Nous avons contesté ce blocage et l’autorité nous promet une « décision » à ce sujet. Nous ne voyons pas en quoi une décision serait nécessaire sur ce droit d’accès à des jugements entrés en force. Nos échanges se poursuivent, et nous espérons pouvoir bientôt en rapporter le résultat.

    Contorsions langagières

    Dans un autre cas dont nous avons parlé récemment, la justice genevoise a soudainement changé sa pratique d’anonymisation des arrêts. En l’occurrence, un tribunal a modifié une de ses publications dans la jurisprudence publiée en ligne pour faire disparaître le montant de la créance fiscale réclamée à Pierre Castel. Le Pouvoir judiciaire refuse toujours d’expliquer cette différence de traitement appliquée au milliardaire. Là encore, nous contestons ce procédé et nous avons hâte de vous en faire part.

    Ce n’est pas tout. Nous avons été les témoins indirects de pressions importantes sur le Ministère public de la Confédération (MPC), dont la pratique consiste à confirmer aux médias l’existence d’une procédure pénale lorsque ces derniers en font la demande.

    Tiraillé entre sa volonté de transparence et des pressions dont les ressorts nous échappent, le parquet est désormais contraint de se livrer à des contorsions langagières parfois lunaires dans ses échanges avec les médias. 

    Nous avons confiance dans la volonté des autorités judiciaires de ce pays de respecter leur devoir de transparence. Mais nous craignons que, si personne n’y prend garde, ces pressions finissent par rogner imperceptiblement ce principe démocratique. Nous faisons notre possible pour veiller à sa sauvegarde. Mais gardons tous un oeil sur ces vents mauvais qui soufflent toujours plus fort sur la liberté d’informer.

    Marie Maurisse

    11 janvier 2023
    Les procès de Gotham
  • Alain Duménil n’a toujours pas payé ses dettes

    L’homme d’affaires Alain Duménil ne voulait pas ouvrir la porte de son appartement du Quai Gustave Ador aux inspecteurs de l’Office des poursuites de Genève. L’ancien propriétaire du quotidien romand L’Agefi est allé jusqu’au Tribunal fédéral (TF) pour tenter de les en empêcher. Sans succès. Cet énième recours d’Alain Duménil, empêtré depuis des années dans des litiges avec ses créanciers, lui a toutefois permis de gagner quelques mois dans la procédure de séquestre visant l’appartement et son mobilier (lire nos articles précédents). L’arrêt est disponible ici.

    Marie Maurisse

    19 août 2021
    Les procès de Gotham
  • Alain Duménil perd son procès contre Gotham City

    Alain Duménil n’avait pas apprécié un article paru dans nos colonnes en février 2020, intitulé Alain Duménil: “Attrape-moi si tu peux”. Connu pour ses nombreux litiges avec des créanciers, l’homme d’affaires se disait choqué par ce titre qui l’assimilait à ses yeux au personnage de Frank W. Abagnale, héros du film « Catch Me If You Can« . La Cour d’appel du canton de Vaud l’a débouté dans un arrêt entré en force le 4 décembre 2020.

    Basé sur deux arrêts du Tribunal fédéral (TF), l’article traitait d’une série de procédures intentées en Suisse par des créanciers d’Alain Duménil. Et notamment celles de son ancien partenaire d’affaires François Barthes. Dans un jugement de 2009 confirmé en appel en 2013, ce dernier s’était vu reconnaître une créance de 2,4 millions d’euros à l’encontre de son ex-associé. Cette somme, qui se monterait aujourd’hui à 4,5 millions de francs avec les intérêts – n’a jamais été remboursée.

    Accusant Gotham City d’avoir porté “une atteinte grave et manifestement injustifiée à sa personnalité“, Alain Duménil demandait la suppression de l’article par voie de mesures provisionnelles.

    L’homme d’affaires estimait notamment que cette publication le faisait passer pour un “escroc de grande envergure”. 

    “A cet égard, affirmait-il dans sa requête, le titre “Alain Duménil : “Attrape-moi si tu peux” ” ferait manifestement référence au livre “Catch Me If You Can”, adapté au cinéma par Steven Spielberg en 2002, narrant la vie de Frank W. Abagnale, poursuivi pour avoir détourné des fonds et connu pour ses identités multiples“.

    Le Tribunal civil de l’arrondissement de Lausanne a rejeté l’argument, le 29 juin 2020, estimant que ce titre était “parfaitement en phase avec le contenu de la parution. Force est de constater que le requérant échoue à apporter une preuve quasi-certaine du caractère attentatoire, diffamatoire ou mensonger de la publication en cause. Il n’est pas établi que le lecteur moyen fera le parallèle entre le titre de l’article […] et l’oeuvre “Catch Me If You Can”. 

    Le tribunal notait également que la traduction française du film – “Arrête-moi si tu peux” – ne correspondait pas exactement à celui de l’article. Or comme le notait le juge Alexandre Feser, “il est en outre établi que la tournure “Attrape-moi si tu peux” a largement été utilisée par la presse, notamment pour illustrer le parcours politique d’Emmanuel Macron“.

    Le 29 octobre 2020, la Cour d’appel du canton de Vaud a également débouté Alain Duménil. Ce dernier, qui contestait par ailleurs être une personnalité publique, nous reprochait en effet d’être allés “au-delà d’un résumé factuel des arrêts du TF concernés et de ne pas hésiter à présenter des faits faux. Il en serait ainsi lorsque l’article présente, sans preuve et par pur acharnement, la DGSE comme créancière“.

    La juge Dina Merkli a estimé qu’Alain Duménil avait lui-même “relaté, et a ainsi contribué à médiatiser, l’affaire l’opposant à la DGSE dans la presse française, laquelle a été également relayée en Suisse romande en 2017. Par ailleurs, contrairement à ce qu’il soutient, cette affaire apparaît comme ayant été à l’origine de démarches, voire de procédures de recouvrement de créanciers en France et en Suisse, qui sont toujours d’actualité. […] Il s’ensuit que l’interêt du public – singulièrement le public cible de Gotham City France qui compte aussi des investisseurs parmi [ses abonnés] – à connaître les démarches et les procédures judiciaires opposant l’appelant à ses créanciers est prépondérant“. 

    Et d’ajouter: “Dans la mesure où l’ensemble des articles précités relatifs à l’affaire opposant l’appelant à la DGSE laisse entendre que le premier serait le débiteur de sommes importantes de la seconde, on ne saurait qualifier les passages de l’article litigieux consacrés à cet aspect d’acharnement mensonger“.

    La décision de la Cour d’appel du canton de Vaud est entrée en force le 4 décembre 2020. Alain Duménil est condamné à verser 5000 francs à Gotham City pour les frais occasionnés dans les deux instances.

    Alain Duménil était représenté par Romain Jordan (Merkt & Associés). Gotham Cityétait défendu par Nicolas Capt (15, Cours des Bastions Avocats). Ce dernier commente: “La Cour d’appel civile du canton de Vaud a confirmé le jugement de première instance et considéré, à juste titre, que l’article de Gotham City France ne portait aucune atteinte illicite à la personnalité du requérant. Je ne peux que me réjouir que la liberté de la presse ait été reconnue dans cette affaire, laquelle ressortissait d’un évident intérêt public“.

    Document lié à cet article:
    Arrêt de la cour d’appel du canton de Vaud (29 octobre 2020)

    Marie Maurisse

    22 juin 2021
    Les procès de Gotham
  • Les pressions judiciaires se multiplient contre Gotham City

    A cinq reprises en 2020, notre publication a fait l’objet de mesures visant à interdire la publication d’articles sur des hommes d’affaires. Dans quatre cas, la justice a reconnu l’intérêt public de ces informations et donné raison à Gotham City. Certains des plaignants déboutés refusent pourtant de verser les frais de justice accordés à notre société éditrice par les tribunaux, ce qui revient à exercer une pression économique sur notre titre.

    Gotham City a fait l’objet de cinq requêtes de mesures superprovisionnelles en 2020, un record dans l’histoire de notre jeune publication.

    Ces procédures consistent à demander l’interdiction d’un article par la justice, souvent avant même sa parution. A quatre reprises, les tribunaux ont reconnu l’intérêt public des informations et finalement autorisé les publications.

    Dans deux de ces cas, les hommes d’affaires qui invoquaient le droit pour protéger leur “honneur” ont choisi d’ignorer les décisions qui leur donnaient tort et qui les obligeaient à verser des dépens à notre société éditrice, Fiatlux Sàrl.

    La première affaire concernait le trader turco-suisse établi à Genève Yomi Rodrig, dont le nom était apparu en marge d’une procédure de délit d’initié aux Etats-Unis. La seconde touchait l’homme d’affaires Alain Duménil, un temps poursuivi pour avoir dissimulé 54 millions de francs au fisc suisse.

    Gotham City a récemment résumé ces deux procédures (Lire aussi: Gotham City obtient gain de cause face à un trader genevois et Alain Duménil perd son procès contre Gotham City).

    Ces victoires sur le fond montrent que la justice suisse prend la liberté de la presse au sérieux et reconnaît l’intérêt public de la chronique judiciaire. 

    Mais c’est sur le plan économique que la situation se corse. Les sommes engagées dans ces deux litiges, à chaque fois jugés en première instance et portés en appel par les plaignants, ont représenté un coût important pour notre publication, uniquement financée par ses lecteurs.

    Au total, Alain Duménil a été condamné à verser 5000 francs à Gotham City, et Yomi Rodrig 4000 francs. Ces dépens, qui sont censés rembourser les frais de défense de la partie qui obtient gain de cause, ne couvrent en réalité que la moitié des frais engagés par Gotham City.

    Dans le cas de Yomi Rodrig, récupérer la somme impose de passer par une procédure dite de recouvrement forcé, qui prendra des mois dans le meilleur des cas.

    En ce qui concerne Alain Duménil, il est peu probable que Gotham City voie un jour la couleur de ses dépens. L’homme d’affaires a transféré ses activités en Italie et n’a laissé que des dettes en Suisse, où il est assiégé par ses créanciers. Ses deux propriétés à Genève et Crans-Montana ont été saisies dans des procédures visant à récupérer des dizaines de millions de francs.

    Alain Duménil et Yomi Rodrig avaient lancé ces procédures à quelques semaines d’intervalle, en mai et juin 2020, par l’entremise du même avocat, Romain Jordan de l’étude Merkt & Associés.

    Interrogé par Gotham City, ce dernier “conteste catégoriquement” toute mauvaise intention de la part de ses clients.

    Selon lui, le refus d’honorer les dépens par Alain Duménil et Yomi Rodrig ne devrait en aucun cas être perçu comme une tentative de fragiliser notre publication, ou d’instaurer un “chilling effect” qui nous dissuaderait de rapporter de futures décisions de justice les concernant.

    “Me prêter de telles intentions dans mon simple rôle d’avocat cherchant à éviter une publicité assurément dommageable à un client dont l’identité menaçait d’être dévoilée est choquant et relève au mieux du mauvais procès d’intention“, martèle Romain Jordan dans un email.

    Gotham City a fait face avec succès à deux autres tentatives de censure préalable en 2020. En juin, l’homme d’affaires et politicien de Mongolie Borkhuu Delgersaikhan a tenté d’interdire la publication de deux articles (ici et ici) qui faisaient état d’une procédure du Ministère public de la Confédération (MPC) ouverte contre lui.

    Un tribunal de Berne a rejeté sa requête déposée en urgence et l’homme d’affaires mongol a finalement retiré sa plainte quelques semaines plus tard.

    En août 2020, l’Angolais Carlos Manuel de São Vicente a tenté de faire interdire la publication d’un article qui révélait le séquestre de 900 millions de francs lui appartenant dans une banque genevoise.

    Prévenu de blanchiment, l’homme d’affaires avait mandaté l’avocat genevois Jamil Soussi de l’étude Bottge & Associés, par ailleurs défenseur régulier de la RTS dans des affaires touchant la liberté de la presse.

    Sa requête de mesures superprovisionnelles a été refusée par le Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois. Jamil Soussi a retiré sa demande quelques jours plus tard, tout en menaçant de lancer une nouvelle plainte pour exiger la “réparation du préjudice considérable” causé à son client par la publication de l’article.

    En décembre 2020, enfin, un ancien gérant de fortune genevois a quant à lui obtenu la censure préalable d’un article qui rapportait l’existence d’une procédure genevoise sur la dissimulation des fonds d’un puissant homme d’affaires et “philanthrope“.

    Cette ordonnance, confirmée par le Tribunal de première instance de Genèvefin janvier 2021, interdit la publication d’un article où le nom de l’ancien gérant avait pourtant été anonymisé par notre rédaction. La Cour a retenu que même sous une forme anonyme, la seule description des faits reprochés au gérant aurait pu lui nuire.

    Dans les faits, cette décision empêche surtout la divulgation du nom du puissant homme d’affaires et “philanthrope“, information qui est selon nous d’intérêt public. Cette ordonnance est encore sujette à recours.

    Gotham City était défendue par Nicolas Capt de l’étude Quinze Cours des Bastions dans les litiges impliquant Alain Duménil, Yomi Rodrig et Carlos Manuel de São Vicente.


    Droit de réponse

    Le 18 mars 2021, Yomi Rodrik a sollicité la parution du droit de réponse suivant:

    “La procédure concernant M. Yomi Rodrik mentionnée dans le présent article a fait I’objet d’une ordonnance superprovisionnelle du Tribunal de première instance ordonnant a Fiatlux Sàrl, Francois Pilet et Marie Maurisse, sous la peine menace de I’art. 292 CP:

    • d’anonymiser I’identité de Yomi Rodrik et celle de ses sociétés dans l”article “Délit d’initié: un collectionneur d’art français exposé aux Etats- Unis” du magazine en ligne Gotham City France, y compris de ses archives;
    •  d’intervenir auprès des moteurs de recherche pour faire immédiatement supprimer l’information “RODRIG” et “COUDREE” des moteurs de recherche, y compris cache et index;
    • de ne pas mentionner I’identité de Yomi Rodrik ou de ses sociétes dans le cadre de toute publication relative a I’enquête américaine pour délit d’initié dont il est question dans l’article précité.

    L’ordonnance provisionnelle révoquant ultérieurement celle-ci a été confirmée par arrêt de la Cour de justice du 31 aout 2020.

    Dans ce cadre, la Cour de justice a reconnu que la mention figurant dans l’article publie par Gotham City – selon laquelle M. Yomi Rodrik et ses sociétés étaient désignés comme des “protagonistes” mentionnés dans le sillage de la condamnation de Télémaque Lavidas” – était “vraisemblablement inexacte”.

    L’appel a néanmoins été rejeté au motif que le seuil de gravité de I’atteinte a la personnalité requis par I’art. 266 CPC n’était pas atteint, des lors notamment que l’article incriminé ne devait être accessible qu’aux abonnés et n’était dès lors connu que d’un cercle de personnes restreint.

    Les dépens octroyés par les tribunaux n’ont été sollicités par I’avocat de Fiatlux Sàrl, François Pilet et Marie Maurisse que le 4 janvier 2021, soit peu avant la publication du présent article.“

    Gotham City maintient sa version des faits.

    Marie Maurisse

    22 juin 2021
    Les procès de Gotham
  • Un magnat indonésien a fait censurer Gotham City avant le vote du 7 mars

    Le conseiller national Christian Lüscher a obtenu la censure d’un article de Gotham City quelques jours avant la votation populaire sur l’accord de libre-échange avec l’Indonésie le 7 mars dernier. L’élu PLR, qui s’était exprimé en faveur de ce traité et qui exerce par ailleurs comme avocat, agissait pour le compte du magnat indonésien Hashim Djojohadikusumo. Notamment actif dans l’huile de palme, ce dernier est poursuivi à Genève pour des infractions fiscales portant sur plus de 100 millions de francs.

    Cette situation montre comment de riches hommes d’affaires peuvent utiliser les mesures superprovisionnelles, un outil de droit civil particulièrement puissant, pour obtenir la censure d’articles de presse, avant même leur parution, alors que les informations qu’ils contiennent sont clairement d’intérêt public.

    L’affaire pose également des questions politiques sur l’influence du député et avocat Christian Lüscher. Agissant pour le compte d’un riche entrepreneur indonésien, l’élu libéral est parvenu à empêcher la parution d’un article sur les intérêts économiques de son client, le 4 mars 2021, soit trois jours avant la votation sur l’accord de libre-change avec l’Indonésie.

    Le Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois a finalement levé cette interdiction, le 11 juin 2021, après avoir entendu les arguments de Gotham City.

    L’homme d’affaires Hashim Djojohadikusumo est le frère de l’actuel ministre de la Défense indonésien Prabowo Subianto, dont il a financé les campagnes politiques. Notamment actif dans les plantations d’huile de palme, sa fortune est estimée à 650 millions de dollars selon Forbes.

    Or le 10 février 2021, Gotham City avait révélé que le fisc de Genève réclamait plus de 100 millions de francs d’arriérés impôts à Hashim Djojohadikusumo et à son épouse Anie. L’article précisait que le couple, établi à Genève de 1999 à 2006, avait fait l’objet d’une enquête pénale fiscale sur des “soupçons de soustraction de montants importants d’impôts“.

    La requête de mesures superprovisionnelles rédigée par Christian Lüscher le 3 mars visait explicitement à interdire toute publication mentionnant les intérêts de son client dans l’huile de palme dans le contexte de la votation qui allait être soumise au peuple quatre jours plus tard.

    Dans sa demande d’interdiction, l’avocat affirmait que l’ampleur des activités de Hashim Djojohadikusumo dans ce secteur n’était “pas de nature a éclairer le vote des citoyens“.

    En tant que député, Christian Lüscher faisait partie du comité “Oui à l’accord avec l’Indonésie” d’Economiesuisse et s’était exprimé publiquement en faveur de ce projet qu’il jugeait “très important pour l’industrie suisse d’exportation“.

    A son poste de ministre de la Défense, Prabowo Subianto supervise d’importants contrats d’armements avec la Suisse, dont l’Indonésie est le premier acquéreur en dehors de l’Union européenne. La dernière livraison de systèmes de défense antiaérienne à Jakarta a rapporté 112 millions de francs à l’industrie helvétique en 2020.

    Dans la procédure qui l’oppose au fisc suisse, Hashim Djojohadikusumo a déclaré qu’il avait dépensé des centaines de millions de dollars pour financer les campagnes politiques de son frère et de ses proches en Indonésie, à tel point qu’il serait aujourd’hui incapable de régler son ardoise fiscale à Genève.

    “Le litige fiscal touchant M. Djojohadikusumo doit être totalement dissocié des relations diplomatiques et commerciales avec l’Indonésie“, écrivait Christian Lüscher dans sa requête urgente au Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois. Sa demande a été acceptée le lendemain, empêchant toute publication de Gotham City au sujet de Hashim Djojohadikusumo sous peine de 15’000 francs d’amende.

    L’accord a été accepté par 51,66% des voix, un résultat “serré” qui avait surpris la présidente d’Economiesuisse Monika Rühl.

    Heinzpeter Znoj, professeur à l’Université de Berne et fin connaisseur de l’Indonésie, estime aujourd’hui que l’interdiction dont Gotham City a fait l’objet “montre clairement comment les oligarques indonésiens font pression sur les autorités suisses”.

    “Je suppose que les négociateurs de l’accord de libre-échange ont également été exposés à cette pression et y ont cédé, poursuit-il, par exemple en n’excluant pas l’huile de palme de l’accord comme il était initialement prévu“.

    Mercredi 16 juin 2021, le Conseil des Etats se prononcera sur une proposition de révision du Code de procédure civile, soumise par le PLR glaronnais Thomas Hefti, visant à faciliter le recours aux mesures superprovisionnelles. Cette modification est dénoncée par de nombreux éditeurs de presse, ainsi que par Reporters sans frontières.

    Gotham City était défendu par Nicolas Capt. Dans cette affaire, les frais de justice ont été avancés par Media Defence, ONG spécialisée dans l’aide aux journalistes.

    Marie Maurisse

    22 juin 2021
    Les procès de Gotham

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